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28 septembre 2008

Indépendance, an 50 : La Guinée a faim !

IMGP1086Dans exactement une semaine, le Jeudi prochain 2 Octobre, le peuple de Guinée célèbrera les cinquante années de son accession à la souveraineté nationale. Une occasion que chaque guinéen aurait souhaitée festive, tant le chiffre 50 est chargé de symbole pour une vie.

Malheureusement, ce 2 Octobre ne pourra être qu’une autre escale, pour refaire la triste comptabilité des occasions ratées et de nos misères quotidiennes. On ressassera encore à l’ennui, des slogans d’embaumeurs pour supporter le manque d’eau, les délestages électriques, la santé inaccessible… Au concret, le rictus larmoyant refuse obstinément d’égailler nos fronts plissés par l’amertume. Par ce mois saint de Ramadan, la Guinée n’a jamais eu autant faim !

La Guinée a faim !

- La Guinée a faim. Par la faute de ses dirigeants. Lamentablement arides en perspectives créatrices de bien-être pour les administrés, ils sont engagés dans une course immorale d’emmagasinage de fortunes personnelles, généralement tirées des ressources publiques. Toutes les recettes administratives, fiscales et douanières, de même que tous les fonds d’aide des partenaires au développement, sont ainsi interceptés et détournés pour des comptes personnels dans des banques de ces mêmes pays sensés nous aider à sortir de notre état de sous développement. Le plus souvent avec la complicité d’agents des mêmes institutions financières ou de hauts responsables de ces Etats, beaucoup plus liés à des clubs selects et serviles, qu’aux  nations au nom desquelles on claironne à tout vent, des projets d’appui. L’hypocrisie internationale n’a d’ailleurs profité qu’aux marionnettes plébiscitées. Les exemples foisonnent de noms célèbres de scélérats ou d’idiots utiles dont le listing ne ferait qu’encombrer ce paragraphe.

Et les peuples, si cruellement grugés, n’ont d’autres alternatives que prendre la rue pour chasser les laudateurs et parfois, piller leurs biens malhonnêtement acquis. Les signes de l’Etat comme les édifices publics peuvent en faire les frais, ramenant quelque peu le pays vers la case départ, mais les populations respireront le soulagement avec l’exaltant sentiment de justice rendue.

- La Guinée a faim. Par la faute de ses intellectuels. Plus enclin à  peaufiner des mots à la mode ou des expressions tirées des tréfonds de l’encyclopédie, ils se révèlent minablement improductifs en matière de schémas de société réalistes et pragmatiques, juste à la dimension des aspirations incompressibles et urgentes des populations. Et surtout de leur mise en application sur le terrain.

C’est un embryon d’oligarchie fabriqué à travers des copinages d’école, de séminaires, de stages et d’autres missions, et tissé de compromissions et de délits d’initiés. Sans qu’aucun impact ne soit comptable sur le quotidien des masses populaires. De ce qu’ils appellent pompeusement « stage de perfectionnement », il n’en résulte généralement que des bibelots dans les bibliothèques des salons ou bureaux, des commentaires admiratifs, complexés et irresponsables sur les belles capitales qu’on vient de visiter comparativement à la situation invivable du pays, des dossiers qui moisiront quelque part dans les foutoirs, et surtout, quelques peccadilles en monnaies étrangères que l’on s’empressera d’ajouter au pactole d’épargne en attendant d’autres occasions de villégiature.

Or, l’intellectuel n’est-il pas celui-là qui se donne la peine et le temps de réfléchir sur les problèmes pratiques de sa société et proposer des solutions adéquates? 

- La Guinée a faim. Par sa mentalité du prêt-à-porter. Extraordinairement doté par dame Nature, le guinéen est enclin à tout attendre du ciel ou… du gouvernement. Des adultes puérils, naïvement et farouchement enferrés dans des habitudes d’éternels assistés. Le colon donnait tout pour s’assurer la soumission, la Révolution tenait le ventre pour s’assurer l’allégeance. Ce n’est certainement pas en vingt ans que la mentalité d’entrepreneur conquérant va nous envoûter. Malheur de nous!

Après avoir compromis l’équilibre naturel et la biodiversité, par le massacre sauvage de nos forêts et le braconnage effréné de la faune, après avoir assécher tous les marigots et rivières luxuriants de nos enfances, après avoir tripatouillé ces précieux héritages jalousement conservés et soigneusement légués à la postérité par nos grands parents, nous voici obligés de nous enfuir de nos villages et hameaux, pour engorger les villes. Avec ou sans métier. Le ventre creux et le regard désespérément tourné vers l’océan, à l’attente du riz venu des champs et des bas-fonds d’autres peuples souvent aussi pauvres que nous. En indécrottables chantres du prêt-à-porter, on veut tout et tout de suite. Sans chaleur ni sueur.

« … Eh, quitte là, ignorant de toi! Pourquoi attendre que le tailleur finisse de façonner notre vêtement si nous n’avons que l’embarras du choix au marché à puces?  Et puis, nous, on n’arrose pas les arbres. Ils poussent d’eux même et on ne se donne même pas la peine de cueillir les fruits, ils tomberont bien mûrs au gré du vent. On ne fera que ramasser, laver et… on est nourri. Quoi de mal donc, que de vivre des rebus des autres !!? »

Ainsi parle, cinquante ans après son accession à la souveraineté nationale, cette Guinée outragée par une classe dirigeante longtemps sourde à toute idée de dialogue sincère avec les différentes composantes de la nation. Un club hermétique qui joue à merveille de l’exclusion et de l’intimidation pour surfer sur les problèmes réels des gouvernés.

Cette Guinée étranglée, c’est la Guinée qui a du mal à porter pantalon et attacher ceinture pour affronter ses défis de survie. Une Guinée à bout de souffle. Ou du moins, une Guinée de l’auto flagellation, cette Guinée plaintive, la Guinée larmoyante, la Guinée hargneuse, la Guinée sournoise, bref cette Guinée bigarrée, au mal-vivre fainéant et vindicatif, jamais responsable de rien, toujours à la recherche de coupable de sa misère personnelle, prête à tout casser ou à se suicider si ses doigts accusateurs ne sont pas vengés ou si ses mains mendiantes ne sont pas remplies…

Eh oui! L’homme étant un être de passion et de communication, si on lui ferme la bouche, il fermera le poing. Le Guinéen en a trop sur le cœur. Les excès du régime ont entraîné les excès des mots. Et puis… si un seul de ces mots choque, il serait mieux de changer de comportement que de s’en aller aux grimaces. On n’en a que dalle !

Puisse cette Guinée des innombrables occasions ratées en cinquante ans, retrouver enfin la voie du bonheur !! Et… bon anniversaire !

« « « « « O » » » » »

PS : Mes lecteurs comprendront que ce texte est un extrait de mon ouvrage « Guinée : Cette fois, c’est parti ! », publié en Mars 2008 aux Editions L’Harmattan. Les idées sont légèrement remises au goût du jour.

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