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12 janvier 2009

Guinée : les fondamentaux du changement vrai, c’est maintenant ou jamais !

RTG__Tass_et_Adji_« Des élections démocratiques, transparentes et crédibles : maintenant et avant fin 2009 ! » Tel est le slogan à la mode ces derniers jours en Guinée. Un slogan repris à gorge déployée, par les politiciens, la « société civile » et les lobbys internationaux, à toutes les occasions de parade. Mais, de grâce, avons-nous bien réfléchi avant de promouvoir cette précipitation, au moment même où, nous-mêmes, nous en appelons à « châtier » les gestionnaires indélicats qui ont grenouillé dans nos ressources et notre patrimoine commun ?

La question est embarrassante et délicate. Mais elle se pose aujourd’hui avec acuité : que veulent exactement les guinéens : une véritable rupture avec le système déchu, ou encore, le « changement dans la continuité » ?

Ah, oui ! Puisqu’il se précise de jour en jour, à travers les déclarations que nous entendons par ci par là, ou lisons sur la plupart des sites guinéens, que le « peuple de Guinée réclame le retour à la légalité constitutionnelle par l’organisation, dans un bref délai, d’élections libres, transparentes et crédibles».

Cinq questions à ce niveau :

-        De quelle élection parle-t-on : des législatives, des présidentielles ou des générales ?

-        Au nom de quel « peuple », qui nous a mandatés à cet effet, ou d’après quel sondage d’unanimité, parle-t-on ?

-        Des élections, dans quels cadres juridiques, avec quels acteurs et pour quels objectifs ?

-        Quelles missions pratiques et urgentes, donnons-nous au CNDD et au gouvernement de transition ?

-        En combien de temps doivent-ils s’acquitter de ces missions, par quelles voies et avec quels moyens matériels, juridiques, diplomatiques ou politiques ?

Chaque guinéen, chaque guinéenne, pour peu qu’il soit conscient et honnête, sait parfaitement dans quel contexte est intervenu le coup de force du 23 décembre dernier. Il serait redondant de vouloir revenir ici sur la situation de non-Etat, de non-Lois, de laisser-aller, de libertinage politique et social marqué par le pillage éhonté des ressources nationales, l’impunité, l’insécurité, et surtout, la menace d’implosion sociale entre les différentes ethnies, instrumentalisées et dopées par les discours d’exclusion des politiques et autres « intellectuels », qui se sont délibérément et hargneusement autoproclamés « défenseurs sacrés et consacrés » de leur tribu.

Chaque guinéen, chaque guinéenne, pour peu qu’il soit conscient et honnête, s’est élevé un jour ou l’autre pour, sinon dénoncer ou affronter publiquement les responsables de ces forfaits condamnables, du moins crier sa rage, parfois sous cape, tant le verrou du système était menaçant.

Nous avons passé des années à égrener nos rancœurs, mais aussi notre impuissance, face à ce rouleau compresseur qui broyait tous nos espoirs de vie décente. Nous sommes descendus plusieurs fois dans la rue, pour desserrer cet étau infernal de la médiocratie et de la kleptocratie. Résultats : des centaines de morts, autant inutiles que dramatiques, sans aucun semblant d’amélioration dans notre quotidien, ni poursuite judiciaire contre les meurtriers.

La Communauté internationale ou autres institutions qui sortent aujourd’hui les gros yeux, pour nous pousser à la précipitation, et donc, au bâclage du processus de transition, n’ont brillé à l’époque, que par leur indifférence, ou alors, des mots et larmes de crocodile, grands complices devant l’Eternel qu’elles sont, de ce système inique et impitoyable.

Or, au même moment où elle jouait à l’aveugle-sourde sur le drame guinéen, cette « Communauté internationale » s’était montrée tellement réactive et curieusement expéditive, lorsqu’il s’est agi de son île de villégiature et de loisir qu’est Anjouan, même si le déchu Mohamed Bakar a fini par « bénéficier » d’un exil « mérité » dans l’Hexagone.

La Guinée a aujourd’hui, plus que jamais, des urgences ! Des appels imminents de ses populations : d’abord les audits, des salaires décents, l’électricité, l’eau, l’assainissement du marché par la réglementation des prix, la sécurité, et puis bien après, le dépoussiérage de notre Loi Fondamentale, du code électoral, du code des partis politiques…, toutes choses indispensables à la tenue correcte et apaisée d’élections réellement libres, transparentes, et dont les résultats auront la chance d’être acceptés de toutes les parties en lice.

Et pour satisfaire à toutes ces exigences urgentissimes, nous ne trouvons pas mieux que de réduire, chaque jour, comme peau de chagrin, le temps nécessaire pour le gouvernement de transition que le Premier Ministre s’apprête à mettre en place. Le CNDD sollicite 18 mois, les partis politiques parlent d’un an (365 jours) dans leur plate-forme.

Or, chacun de nous est bien conscient que le futur gouvernement ne devra jamais ressembler à tout ce que nous avons connu jusque là. Le Premier Ministre est conscient de l’exigence impérative, pour que cette équipe soit triée sur le volet, en vue de détecter et choisir non seulement les meilleurs guinéens, professionnellement et moralement parlant, mais aussi, en tenant compte de nos syndromes d’équilibre ethnique et régional. Et cela, sous les boulets d’un harcèlement impitoyable et intéressé de divers faisceaux d’influence (nous en faisons partie, bien évidemment).

Alors question : combien de temps, pensons-nous accorder à ce gouvernement annoncé, pour composer ses différents et multiples cabinets, et là aussi, selon les mêmes critères d’efficacité, de moralité et de représentativité régionale ?

Je vois d’ici, tous les sabres que nous aiguisons déjà, chacun dans son coin, pour le frêle cou de Kabinet Komara, si jamais il ne répondait pas à nos contraignantes exigences. C’est à vous faire blanchir les cheveux, je vous dis !

Mais au fait, cette pression que nous infligeons aujourd’hui sur les membres du CNDD et le Premier Ministre (le gouvernement est toujours attendu), ces multiples démonstrations doctorales de toutes nos récitations en matière de Droit international, tiennent-elles comptent de la singularité et de la complexité de la situation concrète du pays ?

De deux choses l’une :

-        Ou ces élucubrations hâtives et parfois, courroucées, sont le fait de compatriotes qui n’ont pas une visibilité exacte des énormes tâches qui se posent à cette Guinée convalescente et profondément minée par les effluves néfastes de ces dernières années d’autodestruction,

-        Ou alors, ce tohu-bohu est expressément orchestré par d’obscurs adversaires d’un changement apaisé, et autres politiciens, pêcheurs en eau trouble, dans l’objectif non déclaré, mais bien perceptible, de faire perdre leur sérénité aux nouvelles autorités, et s’accaparer rapidement des rênes de commandement de la République, pour nous replonger dans un abject trop connu ou un incertain inconnu.

Et dans tous ces deux cas, les guinéens patriotes et sincèrement inquiets du sort de la Patrie, s’interrogent, avec ahurissement, sur le lever de bouclier que subissent, tous feux croisés, les toutes nouvelles autorités. Alors que tout –je dis bien tout- démontre que, absolument rien n’est encore en place pour remettre la Guinée sur les rails :

-        C’est dans un Etat fort que peuvent être organisées des consultations électorales maitrisées et crédibles, issues de textes de loi minutieusement et vigoureusement essartés de ces touffes rétrogrades, taillées sur mesure. La Guinée n’a pas encore cet Etat là. Loin s’en faut !

-        C’est un Etat fort qui peut imposer le respect de la liberté de mouvement et d’affaires, ainsi que la sécurité des personnes et de leurs biens. Chacun sait, sincèrement au fond de lui-même, de quoi le nôtre retourne à ce jour.

-        C’est par un gouvernement de transition patriote et engagé, que les urgents chantiers d’électricité et d’eau pourront être pensés, entrepris et exécutés, dans les délais requis et sans trop d’évasions financières. Ce gouvernement, et surtout, ses cabinets de rupture totale avec nos sales habitudes, nous les attendons encore.

-        C’est un Etat fort et un gouvernement inflexible qui peuvent s’attaquer efficacement, et avec quelques chances de réussite, à nos inextricables cavernes d’Ali Baba que sont les audits et la révision de nos mafieux contrats miniers et autres. Ils seront là quand, ces hommes intègres et désintéressés ?

En conclusion, nous sommes tous conscients de la situation juridiquement inconfortable d’une junte militaire, mais la précipitation sans les fondamentaux, ne risque-t-elle pas de remettre la Guinée dans les mains des mêmes corbeaux que nous avons tant dénoncé et fustigé, ou alors de leurs pareils, postés en véritable troisième larron de la fable ?

Toutes les réactions constructives seront les bienvenus pour nous permettre de voir plus clair dans cette atmosphère d’enthousiasme et de passions. Mais en s’engageant dans ce débat, il serait sage toutefois, d’avoir à l’esprit, les paramètres suivants :

1 – Ce qui tient lieu d’Etat en Guinée, est aujourd’hui, fortement gangrené et lamentablement affaibli, pour jouer son rôle de maintien d’ordre, sans dérapages violents et regrettables, avant, pendant et après une consultation électorale. On en sait quelque chose.

2 – La Constitution et les lois électorales, vecteurs et garants légaux d’un processus électoral normal, ont été profondément triturées ces dernières, à des fins de fraudes et de pérennité d’un système. Chacun de nous en a été témoin, impuissant peut-être, mais témoin.

3 – L’indispensable réglementation des prix sur le marché et l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens, ne peuvent être effective que sur le socle d’un Etat fort et organisé, capable de maîtriser le circuit des devises et de la fiscalité. On est loin d’être encore sorti des nébuleuses de l’Etat-commerçant, complice-protecteur des opérateurs économiques.

4 - Le châtiment tant attendu contre les gestionnaires indélicats de notre économie, à travers les audits, inspections et autres révisions de contrats, ne serait-il pas hypothétique dans une précipitation du processus de transition ?

Je comprends bien que les hommes politiques soient pressés de parvenir au pouvoir, d’où leurs appels croisés et pressants pour des élections immédiates. Par contre, je suis nettement ahuri que le guinéen lucide, qui connaît parfaitement bien la situation de son pays, et surtout les limites de nos politiques, puissent encore se laisser entraîner dans ce mouvement d’ensemble aux couleurs autant floues dans les intentions, qu’inquiétantes dans ses finalités.

Pour la Guinée, les fondamentaux politiques, juridiques, économiques et judiciaires, c’est maintenant ou jamais ! Au risque d’un saut hasardeux dans l’inconnu.

Adjidjatou Barry Baud

Administratrice générale guineeactu.com

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